MOOOV, SDG Voice 2018, "Nous voulons vous inciter à oublier votre expérience pour voir avec les yeux de l'autre."
Les SDG Voices mettent en lumière les objectifs de développement durable. En 2018, six nouvelles organisations porteront ce titre. MOOOV est l’une d’entre elles. Depuis sa création en 1992, MOOOV projette dans nos salles des films de qualité ouvrant une fenêtre sur le monde. Avec son directeur, Marc Boonen, nous avons discuté de cinéma et des SDGs.
IFDD : Les grandes salles de cinéma projettent souvent des grosses productions hollywoodiennes alors que des films de qualité sont aussi tournés ailleurs dans le monde. Quel film, qui ne sera sans doute pas à l’affiche dans les grandes salles, ne pouvons-nous surtout pas manquer cette année ?
Marc Boonen : « Ce mois-ci sort un film népalais intitulé « White Sun ». Le Népal n’évoque pas d’emblée une grande nation du cinéma. Voilà qui donne déjà à ce film un caractère particulier. « White Sun » met en scène le Népal d’après-guerre, vu par un jeune garçon qui a perdu ses parents pendant la guerre civile. Le réalisateur, Deepak Rauniyar, réussit le pari de nous relater une histoire personnelle tout en abordant les problèmes plus profonds de la société népalaise. Je vous conseille aussi « The woman who left » de Lav Diaz. Ce réalisateur philippin donne du fil à retordre à nos distributeurs de films avec des productions d’une durée de quatre à huit, voire dix heures. Ce qui est propre à ce film, c’est le sentiment de vivre pendant quatre heures la vie d’Horacia, le personnage principal. Après avoir passé trente ans en prison alors qu’elle était innocente, Horacia atterrit dans une société (les Philippines des années nonante) qu’elle ne reconnaît plus.
Les films que nous sélectionnons proposent souvent au spectateur des expériences très singulières, uniques. Ils viennent des quatre coins du globe et sont l’œuvre de cinéastes qui racontent une histoire à partir de leur histoire personnelle. Les conditions de vie, par exemple, au Népal ou aux Philippines sont à première vue à mille lieux de ce que nous connaissons ici en Europe. Mais, dans le même temps, nos films démontrent que les populations dans ces contrées sont aux prises avec les mêmes questions que nous. Eux aussi sont amoureux, eux aussi doivent faire face à la mort d’êtres chers. En distribuant des films venant du Sud en Europe, l’on porte la coopération au développement à un autre niveau. Tel est en réalité le message : « ce que vous faites là-bas ressemble à ce que nous faisons ici ». Si nos films sont peut-être moins accessibles que les grosses productions hollywoodiennes prévisibles, ils nous apportent par contre fréquemment la surprise et l’inattendu. Ils offrent une fenêtre plus large sur le monde. »
IFDD : Vous aimez aborder les choses avec singularité. Lors de votre festival du film, vous avez par exemple également recruté un jury de détenus de la prison de Merkplas. En quoi leur regard sur le cinéma vous-a-t-il surpris ?
Marc Boonen : « Ce que je retiens, c’est que notre jury composé de détenus de Merkplas n’a jamais choisi le même film que notre jury international de professionnels du cinéma. Notre jury de détenus attache davantage de valeur à l’histoire d’un film plutôt qu’à ses critiques. L’esthétique d’une production est également reléguée au second plan. Ce même jury reflète des horizons culturels très divers. Les membres sont donc interpellés ou touchés par des choses différentes. Ils mènent parfois des discussions houleuses sur les différences culturelles dans la sélection de leur vainqueur. Je suis convaincu que notre façon de voir est en partie déterminée par nos racines et notre expérience de vie. Au travers du festival du film de MOOOV, nous voulons quasiment vous obliger à faire abstraction de tout ça et à regarder avec les yeux de l’autre. »
Je suis convaincu que notre façon de voir est en partie déterminée par nos racines et notre expérience de vie. Au travers du festival du film de MOOOV, nous voulons quasiment vous obliger à faire abstraction de tout ça et à regarder avec les yeux de l’autre.
IFDD : Parmi les critiques qui vous sont le plus souvent adressées, je retiens celle-ci : votre public aurait déjà un regard international et serait déjà ouvert à ces différences culturelles. Qu'en pensez-vous ?
Marc Boonen : « Certes, c’est souvent le cas. Mais nous nous efforçons aussi de toucher un autre public. Nous avons par exemple conclu un contrat de sponsoring avec Phillips. Aux termes de ce contrat, une centaine de travailleurs de la société sont chaque année invités à assister à notre festival. Ce sont des ingénieurs, des employés et des ouvriers qui, d’initiative, n’auraient jamais poussé la porte de cet évènement. Nous soutenons également nombre de projets éducatifs dans les écoles. Nous voulons leur faire découvrir un autre type de cinéma que Disney et Studio 100. Pour ce faire, nous partons de leur environnement en adoptant une approche qu’ils peuvent comprendre. Les jeunes réagissent souvent avec enthousiasme après avoir vu de tels films. Je me rappelle de la projection de « The Idol », un film sur un jeune palestinien qui participe à « Arab Idol », l’équivalent arabe de « The Voice », devant une classe de bad boys, tous « as de la technique ». À la fin du film, j’ai pu assister à un tonnerre d’applaudissements. Un film est capable de libérer des émotions fortes. »
IFDD : Quels sont vos projets en tant que SDG Voice ?
Marc Boonen : « MOOOV travaille intensivement pour offrir une plateforme à l’inégalité dans le monde. Au travers de nos films, nous attirons l’attention du public sur certains fléaux dont souffrent des pays du Sud, comme l’inégalité des sexes, l’inégalité sociale, le retard économique, l’insécurité alimentaire, la mauvaise gouvernance, la corruption, la pollution environnementale. Les SDGs entendent également traiter de ces problématiques sociétales. C’est pourquoi nous tenons à intégrer les SDGs dans notre communication. En tant que SDG Voice, nous allons notamment établir un lien entre les SDGs pertinents et nos films. Avant le début de la projection, nos spectateurs seront informés de ces SDGs spécifiques à l’aide d’une vidéo et d’une pancarte. Nous organiserons également des journées d’étude et des débats après les projections consacrées aux thèmes du cinéma & des SDGs. »
MOOOV travaille intensivement pour offrir une plateforme à l’inégalité dans le monde.
Les SDG Voices sont une initiative de l’Institut fédéral pour le Développement durable. En 2016, la ministre de l’Énergie, de l’Environnement et du Développement durable, Marie-Christine Marghem, a officiellement lancé la campagne « SDG Voices Belgium ». À l’instar de ce qui s’est passé au niveau international, huit organisations ont été élues porte-paroles des SDGs. En 2017, cet honneur est revenu aux organisations suivantes : GoodPlanet, Bond Beter Leefmilieu, Stad Gent, Duo for a Job, Colruyt Group, Mouvement Action Paysanne, CNCD (Centre national de coopération au développement) et 11.11.11. D’ores et déjà, six nouvelles organisations peuvent fièrement se targuer de ce titre. Chaque jour, nous présenterons une nouvelle SDG Voice. Visitez donc régulièrement nos site Internet et médias sociaux !